Non, il ne s'agit pas d'un commentaire de texte de l'oeuvre de Sôseki mais d'une réflexion sur la frugalité et la redécouverte du poisson. On pourrait plagier un célèbre homme politique amateur de bonne chère en affirmant : "Dans le poisson tout est bon". Alors chers lecteurs et lectrices ne jetez plus les arêtes et la tête, faisons honneur au poisson sauvage de plus en plus rare et consommons-le entièrement. Voici comment.
Pour devenir un chat il faut tout d'abord en acquérir la dextérité et autant dire qu'avec une fourchette et un couteau, vous partez avec un handicap certain. munissez-vous donc de baguettes, les meilleures pour cet exercice étant celles à bout pointu, pour la petite histoire consultez le lien intitulé "the japanese tradition, hashi" à droite de cette page.
Si vous avez un chat à la maison, sacrifiez-lui une tête de daurade et observez. L'animal a bien compris qu'on lui sert le morceau du roi et son palais ne le trompe pas, il déguste toute la tête, sauf les branchies. Suivez donc son enseignement, débarrassez-vous immédiatement de celles-ci. Que ce soit pour une consommation cru ou cuit, il faut absolument les ôter car elles peuvent nuire au goût et à la conservation.
Prenez un rouget, videz-le, retirez les branchies et levez les filets. Personnellement, je n'écaille pas le rouget lorsqu'il est destiné aux sushis car sa peau étant assez fragile elle résiste mieux au passage du couteau et l'on peut ainsi procéder en une seule passe. Si vous avez plusieurs rougets je dispose les arêtes sur un papier sulfurisé avec un trait d'huile d'olive et une pincée de kari Gosne. La chair résiduelle sur l'arête dorsale est délicieuse. On peut procéder ainsi avec le maquereau et le chinchard. Les têtes elles seront grillées. Surtout n'écaillez pas, les chairs délicates autour des yeux dessècheraient irrémédiablement au feu. Vérifiez la cuisson, l'intérieur de la tête doit rester rosé. Munissez-vous de vos baguettes et soulevez délicatement les écailles des joues. Les chairs les plus fines et les plus goûtées sont celles que vous trouverez autour des yeux et sous la mâchoire. Réservez-vous la gélatine des yeux pour la fin, suprême petite douceur. Après vous, le pauvre chat n'a plus qu'à se rabattre sur ses croquettes. Il ne vous regardera jamais plus comme avant.
Dans mes débuts au Japon, j'étais surpris de voir les enfants se battre pour déguster les yeux. Surpris aussi qu'on serve la tête de la daurade aux invités de marque. Il existe un jeu de mot sur ce poisson dit "Taï"鯛. Omedetaï signifie féliciter et l'on a ainsi pour coutume de servir la daurade dans les banquets de mariage et au jour de l'an. Avec un peu de pédagogie vous serez bientôt prêts vous aussi à faire apprécier les têtes à vos illustres invités.
Par le passé en Europe, les populations n'avaient pas ces préjugés d'enfants gâtés, la curiosité était exacerbée par la faim. Observez votre chat, ne passez plus à côté de véritables festins.
Lectrice, lecteur souviens-t-en, tous les goûts sont dans la nature.